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Au Ghana, une loi pour atteindre la parité dans les postes de décision de la fonction publique en 2030

Son adoption, mardi 30 juillet, a été accueillie avec un immense soulagement par de nombreuses organisations de la société civile (OSC) et des défenseurs des droits humains au Ghana. Après avoir passé plus d’une décennie dans les cartons, le projet de loi sur la discrimination positive (Affirmative Action Bill) – appelée loi pour l’équité des genres – a été voté par la majorité du Parlement.
Le texte, qui attend encore de recevoir l’aval présidentiel, présente une mesure phare : atteindre, d’ici à 2030, un taux de 50 % de femmes au sein de « la fonction publique, la gouvernance et les postes de décision ». L’objectif concerne aussi bien les ministères, les administrations, les organes de sécurité, que les assemblées locales… Chaque organe devra alors suivre une feuille de route, définie et contrôlée par un comité dirigé par le ministre de l’égalité des sexes. Les avancées devront être publiées dans un rapport annuel.
« Si toutes les mesures sont mises en place, ce texte a vraiment le potentiel de faire bouger les choses », juge Sheila Minkah-Premo, avocate et cheffe de l’Affirmative Action Coalition, qui a œuvré à l’élaboration de la loi. La juriste soulève néanmoins une faiblesse dans la version adoptée fin juillet : la représentation des femmes au sein des partis politiques. « Lors des débats au Parlement, certains députés ont souligné que rien, dans la Constitution ghanéenne, ne pouvait obliger les partis à choisir une femme à un homme quand ils sélectionnent leurs candidats pour les élections législatives », rapporte-t-elle.
En conséquence, le choix de mettre une femme en tête de liste relèverait « de la bonne volonté des partis », d’après Sheila Minkah-Premo. Un coup dur, tant les femmes sont sous-représentées au Parlement : depuis 2020, elles ne sont que 40 députés, pour 275 sièges, soit moins de 15 % du total des élus. Un chiffre largement inférieur à la moyenne des parlements d’Afrique subsaharienne (27,3 %), selon le rapport de l’Union interparlementaire publié en 2023.
La loi prévoit également une série de mesures concernant l’éducation, la santé et la représentation des femmes dans le secteur privé. Sur ce dernier point, le texte stipule qu’un employeur « doit prendre des mesures pour assurer l’égalité progressive entre les hommes et les femmes au sein de son personnel ». Une mesure accompagnée, si respectée, d’avantages fiscaux et de facilités d’accès aux marchés publics. Des sanctions financières et pénales sont également prévues en cas d’infraction.
Si ce texte, inédit au Ghana, a été globalement salué par les OSC, ces dernières préviennent qu’elles resteront vigilantes sur l’application de la loi. La militante ghanéenne pour l’égalité des genres Felicity Nelson se souvient par exemple de la loi de lutte contre les violences domestiques, votée en 2007 : « Le texte prévoyait la mise en place d’un fonds d’aide aux victimes. Des années plus tard, il n’existe toujours pas. Ce, malgré une décision de justice obligeant le gouvernement à le faire. »
Autre point d’inquiétude : les stéréotypes liés au genre, très prégnants dans la société ghanéenne. Dans son rapport de 2023 intitulé Les Voies de l’égalité, l’Organisation des Nations unies pointait la faiblesse du niveau d’autonomisation des femmes au Ghana. « Notre plus grand défi est culturel, souligne Genevieve Partington, directrice d’Amnesty International Ghana. Et cela pourrait retarder l’acceptation, et donc la mise en place de la loi. »
Adopté cinq mois seulement avant une échéance politique majeure, les élections générales du samedi 7 décembre, il n’est en revanche pas certain que le texte aura une quelconque influence sur le vote des électeurs – et électrices. « Les Ghanéens ne tiennent traditionnellement pas compte des enjeux sociétaux dans leur vote, soutient Chris Atadika, chercheur en sciences politiques à l’Université du Ghana. Ce qui compte avant tout, c’est l’amélioration de leur situation économique immédiate. » Un facteur d’autant plus important que le Ghana subit une crise économique sans précédent depuis 2022, avec un taux d’inflation qui dépasse toujours les 20 % en août 2024.
Selon Chris Atadika, le Nouveau parti patriotique (NPP), actuellement au pouvoir, ne cherchera même pas à faire campagne sur cette loi. « Sur le terrain de l’égalité des genres, il serait forcément perdant face au Congrès démocratique national [NDC] », assure le chercheur. Le principal parti d’opposition « propose, énormément, si ce n’est plus de réformes dans ce domaine. Et, contrairement au NPP, le candidat du NDC, John Mahama, a choisi une femme, Jane Naana Opoku-Agyemang, comme colistière ». En juillet, selon le dernier sondage de l’institut ghanéen Global Info Analytics, les intentions de votes de l’électorat féminin allaient à 48 % au NDC, contre 41 % pour le NPP.
Victor Cariou
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